La fenêtre fraiche

Le jeudi 1er avril 2010 un nouvel espace a vu le jour dans les murs de l’école supérieure d’art de Quimper.

Le terme dans les murs est vraiment à propos puisque la fenêtre fraîche est une galerie dissimulée dans l’épaisseur du mur de l’école. Un espace interlope qui reprend la forme d’une des fameuses pièces de Duchamp « Fresh widow » * pour mieux se camoufler dans l’espace interstitiel de la fenêtre qui sépare l’école de l’espace public.

Une galerie interlope puisqu’elle ne sera visible que la nuit et comme une bouteille jetée à la mer cet espace d’exposition ne sera perceptible que lorsque l’école aura fermée ses portes.
Si l’on se laissait aller à penser une école d’art comme un vaisseau ou un corps, l’atelier technique pourrait en être la salle des machines ou le cœur battant. Dans l’ancienne caserne qui accueille les Beaux Arts, il est l’un des indicateurs d’une activité artistique dans ce bâtiment aux contours austères.

Aussi c’est la marge de ce lieu que nous avons décidé d’investir dans le cadre de la plate-forme sur l’espace public et plus précisément l’une des fenêtres de cet atelier technique.
Nous sommes heureux d’ouvrir cet espace un premier avril, moins pour les échos facétieux que cette date pourrait entretenir avec ce commerce frauduleux que serait de proposer de l’art en dérives nocturnes, mais bien plus en clin d’œil à la première école du Bauhaus inaugurée à Weimar le 1er avril 1919 et fermée le 1er avril 1925. Un désir, pour une galerie qui s’immisce dans les temps morts d’un atelier technique, de faire résonner une fois encore cette pulsation de vie, d’échanges et de porosité entre les domaines du savoir, des techniques et des arts au cœur des projets du Bauhaus.

Pour la réouverture de cet espace, Marion Massiou, étudiante de 4ème année, nous propose une pièce au titre mystérieux et évocateur de double sens La philanthropie de l’ouvrier charpentier, qui se joue d’échos à ces notions de fenêtre, de vitrine et de façade et renforce par sa radicalité les enjeux d’une galerie nyctalope.

B. Peinado

Ce modèle réduit d’une fenêtre à la française fut exécutée par un menuisier new-yorkais en 1920. Pour le terminer, je remplaçai les vitres par des carreaux de cuir, dont j’exigeai qu’ils fussent cirés chaque jour comme des chaussures. Cette « French Window » fut baptisée « Fresh Widow » (Veuve impudente), calembour assez évident. »
Marcel Duchamp, DDS p.227